La maison de béton : efficace et durable
Denise Proulx et André Fauteux
La technique de coulage du béton dans un coffrage permanent de polystyrène relègue littéralement les anciennes pratiques dans la catégorie des outils de l'âge de pierre! Légers et faciles à installer, les blocs ou les panneaux isolants s'emboîtent rapidement comme les pièces d'un jeu de Legos et permettent de bâtir des maisons très confortables, saines et à haute efficacité énergétique.
Mais attention, même si près d'une dizaine de systèmes sont vendus au Québec, peu d'entrepreneurs peuvent se vanter d'avoir plusieurs années d'expérience dans l'installation des coffrages isolants. Une mise en oeuvre minutieuse est essentielle pour éviter des problèmes difficiles ou impossibles à corriger par la suite. Voici un petit guide pour amateurs d'efficacité et de confort résidentiel...
Le Recueil d'évaluation de produits du Centre canadien des matériaux de construction (CCMC) définit ainsi les coffrages à béton : « des éléments modulaires, emboîtables, constitués de deux panneaux de polystyrène expansé assemblés à l'aide d'entretoises en plastique équidistantes dont les extrémités sont enfoncées dans la masse des panneaux de manière à effleurer leur face externe. Les coffrages sont posés à sec en quinconce. Ils forment un espace rectangulaire qui, après la coulée du béton, donne un mur monolithe,isolé, d'épaisseur uniforme. »
De l'armature peut être ajoutée par endroits pour renforcer le tout. Une maison construite de cette façon présente de nombreux avantages, dont la possibilité d'ériger les murs rapidement douze mois par année. «Le béton coulé dans un coffrage isolant mûrit dans des conditions idéales d'humidité et de température, explique notre collaborateur Yves Perrier. Il en résulte un produit pratiquement indestructible qui résistera longtemps à l'humidité, aux insectes et à toute forme de dégradation. » Ce bachelier en architecture et journaliste en habitation depuis 15 ans ajoute : « C'est un mode de construction efficace tant pour l'isolation et l'étanchéité à l'air que pour l'insonorisation des murs extérieurs. Très sécuritaire, il offre une protection au feu de trois heures et ses planchers sont très confortables. De plus, son efficacité énergétique sera stable en permanence car le béton ne rétrécit pas comme le bois. » Il va sans dire que dans une maison très étanche à l'air, l'installation d'un ventilateur récupérateur de chaleur est de mise pour déshumidifier et échanger l'air.
Efficacité énergétique
La majorité des entreprises qui vendent des coffrages isolants misent sur la performance énergétique pour attirer la clientèle. Le plus important manufacturier de coffrages isolants en Amérique du Nord, affirme sur son site Internet qu'un mur construit à partir de ses blocs présente une résistance thermique d'environ R-50 et que le consommateur économiserait donc plus de 70 % de ses coûts de chauffage et de climatisation. Le directeur technique de l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ), André Gagné, est sceptique.
« Si c'était le cas, nous aurions trouvé toutes les solutions miracles à nos problèmes d'isolation. Les prétentions sur la masse thermique du béton (qui hausserait la valeur isolante en stockant la chaleur) n'ont pas été prouvées par des essais scientifiques. Une résistance thermique de R-22 ou R-23 est plus réaliste. »
D'ailleurs, un mur étudié par le CCMC avait une épaisseur de 11,5 pouces (292 mm), dont 6,2 pouces (157 mm) de béton et 5,3 pouces (135 mm) de polystyrène au total. Comme le polystyrène expansé le plus utilisé (type 2) donne une résistance thermique de R-4 au pouce, le coeur de ce mur a un facteur isolant d'au moins R-21,2 sans compter les films d'air devant et derrière les revêtements.
Toutefois, contrairement aux maisons de bois classiques, l'isolation des maisons en coffrages isolants est continue, stable et sans aucun pont thermique créé par des matériaux non isolés. Ceci à condition que le béton soit coulé selon les règles de l'art (un mètre à la fois) pour éviter qu'il ne soit exposé par un soulèvement des panneaux. « C'est tout à fait plausible aujourd'hui, avec les technologies actuelles, de réduire la consommation énergétique d'une maison de 35 à 50 %, affirme Mario Canuel, conseiller à l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec. Mais tout dépend de la façon dont la maison est construite. Des fenêtres de meilleure qualité, un système de chauffage plus performant, des portes et une toiture bien étanches sont autant d'avantages pour éviter la perte de chaleur qui augmente la facture énergétique. »
« En matière d'efficacité énergétique, que ce soit du polystyrène expansé ou extrudé, tous les systèmes s'équivalent plus ou moins », affirme André Gagné. La différence se situe selon lui dans la façon d'assembler les blocs ou les panneaux et l'armature, ainsi que dans l'épaisseur et la densité de l'isolant et du béton.
Un prix à évaluer
Pour les constructeurs inexpérimentés avec cette technique, les maisons de coffrages isolants peuvent être de 15 à 18 % plus chères que celles à ossature de bois. Gérald Ducharme réplique que ses maisons sont habituellement de chère, selon leur taille, et qu'il n'y a pas de surcoût si seulement les fondations sont en coffrage isolant. Comme le polystyrène est fabriqué à base de pétrole, il est à prévoir que les prix augmenteront en raison de la pénurie appréhendée.
Enfin, les maisons de coffrages isolants ont le grand avantage de ne pas émettre de fibres ni de gaz toxiques et de résister remarquablement à la condensation et donc aux moisissures. D'ailleurs, l'association pulmonaire américaine (American Lung Association) a décerné au système ARXX la mention de « produit santé », qualificatif qui s'applique à tous les systèmes de coffrages isolants. Notons enfin que le polystyrène expansé est gonflé au pentane, gaz qui n'affecte pas la couche d'ozone comme le font les chlorofluorocarbones utilisés dans le polystyrène extrudé.